Ô FEMME !
« Me refuser à lui était plus qu’un simple amusement ou un plaisir coupable, c’était devenu une raison d’être.
Je me délectais de la difficulté avec laquelle il parvenait à contenir sa frustration et son agacement face à cette attente sans fin que mes caprices lui imposaient.
La tension qui vissait ses mâchoires l’une à l’autre, à chaque nouvelle avance repoussée, était un spectacle jouissif dont je me repaissais aussi souvent que l’occasion m’en était donnée.
J’avais sur lui autant de pouvoir et d’emprise qu’un inspecteur d’auto-école grassouillet peut en avoir sur une frêle candidate au permis de conduire, au moment où il s’apprête à lui faire une proposition salace en échange du précieux césame.
Mais aujourd’hui, j’avais décidé de céder et de récompenser sa patience.
La puissance sexuelle qui transpirait de ses moindres gestes à mon contact était devenue si brutalement animale ces derniers jours qu’elle en était presque inquiétante.
Je voulais donc désamorcer cette bombe à retardement à temps et la garder sous mon contrôle, avec toutefois la ferme intention de la laisser exploser aux temps et lieux qui me siéraient.
Je laissai donc sur son bureau une note lui indiquant que je serais sur le perron de son loft le soir même, avec une bouteille de vin italien et un ensemble lingerie de la même provenance.
Le soir venu, il me fit entrer dans la pièce centrale à 21 heures précises et exactement une minute vingt plus tard, il me plaquait violemment contre le mur en arrachant mon chemisier transparent.
La marionnette que j’animais par les filins invisibles du désir avait brisé ses entraves et entendait à présent inverser les rôles : je devenais à mon tour le pantin désarticulé qu’aucune grâce ne semblait devoir épargner.
Mais au plus profond de moi, je n’avais pas imaginé que la scène se déroulât autrement et pour dire vrai, j’avais attendu cela avec une avidité que je ne m’expliquais pas.
Ensuite, tout se passa très vite.
Il acheva de déchirer ce qu’il restait de mon haut puis, tout en me maintenant contre le mur, défit sa boucle de ceinture.
Je sentis son pantalon descendre sur ses cuisses en un froissement empressé puis la raideur de sa verge turgescente se collant contre mes fesses.
Il s’engouffra en moi avec autant de force et de vigueur qu’un car-jacker marseillais pénètre le confort spartiate d’une Peugeot 106 au feu rouge d’un carrefour de Belsunce.
Son bassin frappait mes reins en de sourds impacts pendant que ses mains enserraient ma gorge et empêchaient l’air de refluer.
J’étais sur le point de défaillir et de laisser les voiles blancs qui drapaient ma vue s’emparer du reste de mon corps quand il me projeta au sol ; où je gisais étalée comme un vulgaire préservatif usagé rue Saint-Denis.
Avant que je ne pusse me redresser et recouvrer complètement mes sens, il était déjà à califourchon sur ma poitrine, martelant mon visage à l’aide de ce que je devinais être son sexe.
Je sentais les reliefs veineux de l’organe tendu s’abattre sur ma peau dans un bruit mat et l’odeur faisandé d’une queue grossièrement entretenue emplir mon nez et la reste du rez-de-chaussée.
Mes tentatives de protestations étaient vaines. Pis, les quelques mots qui parvenaient à sortir de ma bouche entre deux suffocations semblaient accroître sa frénésie.
Je m’abandonnai réellement à notre étreinte lorsqu’il se mit à uriner sur mon visage ; la sensation d’un filet chaud et âcre ruisselant sur mes joues et mes lèvres faisant sauter les derniers verrous de ma pudeur.
Je me mis alors à attiser sa fougue, le provoquant et remettant en cause sa virilité. Sa réaction ne se fit pas attendre.
Et alors que des râles de plus en plus graves et gutturaux tapissaient le fond sonore de la scène, je sentis une masse chaude et odorante prendre forme au niveau de mon ventre.
Des effluves si caractéristiques ne laissaient aucun doute quant à la nature du dépôt brun et massif que l’on était en train de laisser sur mon nombril : c’était de la merde.
Je caressai suavement la livre de matière fécale fraîchement expulsée et portai à mes lèvres un substantiel résidu de l’excrément ; le mariant aux gouttes d’urine qui perlaient encore sur ma bouche.
J’adoptai une position extatique, me cambrant de plaisir après que l’homme m’eût honoré de ses déjections et en ai barbouillé le moindre centimètre carré de mon tronc.
Ne me restent ensuite que peu de souvenirs du quart d’heure qui suivit. Tout au plus me souviens-je qu’il me traîna par les cheveux jusqu’à la salle de bain puis qu’il fourra sans ménagement la balayette des gogues dans la plus intime de mes parties.
Il reproduit de nombreuses fois son geste avec aisance, amplitude et application ; tel un plombier portugais devant justifier son intervention d’un quart d’heure à 217 euros pour déboucher un tuyau vide.
J’atteins l’orgasme peu après, quand il se fit vomir au niveau de mon sexe puis de mes yeux et enfin de mes cheveux.
Lui jouit quasi-simultanément, éjectant sa semence épaisse et caoutchouteuse sur mes gencives empourprées et luisantes.
Je m’étais cru femme avant ce soir là. J’avais tort. Il m’avait enfin révélé à moi-même.
Tout avait été parfait.
Alors qu’il commençait à se relever et que le silence revenait dans la pièce, l’homme émit un souffle.
« Pfff, salope… »
A ces mots, mon sang ne fit qu’un tour et avant qu’il eut le temps de gagner la salle de bains vers laquelle il se dirigeait, je l’agrippai par l’épaule, lui fis faire volte-face et le giflai froidement.
Tournant les talons, je devinai l’effarement de l’abject phallocrate dont je quittai le repère.
Mais ma décision était sans appel : je ne luttais pas depuis dix années à promouvoir la galanterie, la condition féminine et le respect de la parité pour laisser le premier macho venu me traiter comme une minable caissière de Franprix.
Avec du recul, cette soirée a clairement marqué un tournant de mon existence : mon combat pour le féminisme ne serait jamais sacrifié sur l’autel de la baise ; fut-il si doux et romantique que ce soir-là. »
Isabelle ALONSO, Mémoire du féminisme – L’autobiographie d’une vie (extrait), 2007, Ed. Flammarion.
M.J.C.